Au Bénin, malgré les lois en vigueur et les nombreuses initiatives pour endiguer le fléau, le mariage précoce continue de ravager l’avenir de milliers de jeunes filles. Véritable atteinte aux droits fondamentaux, cette pratique persiste et révèle des inégalités criantes entre les sexes. Le gouvernement et ses partenaires redoublent d'efforts pour inverser la tendance et offrir à chaque fille la chance de grandir librement.
Le mariage des enfants, un fléau toujours vivace au Bénin
Derrière les sourires figés sur des photos de mariage se cachent des enfances volées. Au Bénin, le mariage précoce demeure un drame silencieux. Malgré un arsenal juridique clair – le Code des Personnes et de la Famille et le Code de l’Enfant fixent l’âge légal du mariage à 18 ans – des filles continuent d’être unies contre leur gré, dans un silence complice, parfois soutenu par des traditions ou la pauvreté.
Les statistiques officielles révèlent une réalité alarmante : 28 % des filles béninoises sont mariées avant leurs 18 ans, et 6 % avant même leurs 15 ans. Si les garçons ne sont pas totalement épargnés (5 % mariés avant 18 ans), les filles restent les principales victimes de cette injustice, souvent dictée par des normes patriarcales profondément ancrées.
Le phénomène est plus criant dans certaines régions : Alibori (54 %), Zou (43 %) et Borgou (40 %). Ces chiffres illustrent le poids des coutumes, mais aussi le lien direct entre éducation, pauvreté et mariage précoce. En effet, près de 29 % des femmes ayant seulement fréquenté le primaire se marient avant 18 ans, contre seulement 4,2 % parmi celles ayant atteint l’enseignement secondaire ou supérieur. De même, 42 % des femmes issues des foyers les plus pauvres se marient trop tôt, contre 12 % dans les foyers les plus aisés.
Grossesses précoces et traite : les conséquences désastreuses
Les conséquences de ces unions imposées sont dramatiques. Entre 2015 et 2020, le taux de natalité chez les adolescentes béninoises (15-19 ans) atteignait 108 naissances pour 1 000 filles. Plus préoccupant encore, près de 19 % accouchent avant 18 ans. Ces chiffres grimpent à plus de 28 % dans l’Alibori, l’Atacora et le Borgou, mettant en lumière la précarité de la santé sexuelle et reproductive dans ces zones.
Le mariage précoce s’accompagne souvent de violences sexuelles, de déscolarisation et d’une dépendance économique à vie. Plus grave encore, il est lié à la traite d’enfants, souvent destinée à l’exploitation domestique ou sexuelle, avec des itinéraires transfrontaliers à travers l’Afrique de l’Ouest.
Le Bénin se mobilise : entre campagnes et projets structurants
Face à cette situation alarmante, les autorités béninoises, avec l’appui de partenaires internationaux, ont multiplié les actions. En 2016, la campagne « Tolérance zéro pour le mariage d’enfants », lancée par le ministère des Affaires sociales, l’UNICEF Bénin et la Première Dame Claudine Talon, a ouvert la voie à une mobilisation nationale en s’attaquant aux normes sociales nuisibles.
Plus récemment, le projet ProJeunes (2018-2021), financé par Affaires mondiales Canada et mis en œuvre par CARE et la Coalition des jeunes pour les droits sexuels et reproductifs (YCSRR), a renforcé la prévention à travers l’éducation, la sensibilisation communautaire et le plaidoyer.
Des artistes engagés ont également contribué à éveiller les consciences avec des œuvres poignantes, telles que le feuilleton sur les grossesses précoces et la chanson « Laissez-moi grandir », devenue l’hymne de la lutte contre le mariage des enfants.
Un long chemin vers l’émancipation des filles
Malgré les efforts, le chemin reste long. Les avancées notables doivent être consolidées par un meilleur accès des filles à l’éducation, un soutien aux familles vulnérables, une application rigoureuse des lois, et une transformation profonde des mentalités.
Le mariage précoce n’est pas une tradition à préserver, mais une injustice à éradiquer. Permettre à chaque fille de choisir son avenir, c’est garantir au Bénin un développement véritablement inclusif et durable.
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