Malgré son interdiction légale, le lévirat continue de faire des ravages dans certaines communautés béninoises. Une pratique coutumière qui, sous couvert de protection sociale, étouffe les droits fondamentaux des femmes.
Une coutume en sursis
Le lévirat, pratique traditionnelle profondément ancrée dans certaines régions du Bénin, consiste à « donner » une veuve en mariage à un proche parent du défunt souvent son frère, parfois même son fils. Objectif : préserver l’unité du foyer, protéger les enfants et conserver les biens familiaux dans la lignée paternelle. Mais derrière cette apparente solidarité sociale, se cache bien souvent une réalité brutale : une négation flagrante du droit des femmes à disposer d’elles-mêmes.
Une interdiction peu respectée
Depuis l’adoption du Code des Personnes et de la Famille, notamment son article 123, le lévirat est formellement interdit au Bénin. La loi érige le mariage monogamique comme norme, fixe l’âge légal à 18 ans pour les deux sexes, et proscrit toute forme d’union forcée. Pourtant, la pratique subsiste dans plusieurs milieux ruraux et urbains, échappant au regard des autorités et à l’efficacité des sanctions prévues par la loi.
Le poids de la tradition
Dans ces contextes, la veuve devient, malgré elle, un maillon de la chaîne patriarcale. Son consentement est rarement recherché. Il arrive même qu’elle soit assignée à un nouveau « mari » dans les jours suivant les funérailles. Cette forme de « remariage obligé » est vécue comme une dépossession de soi, où la femme est traitée comme un bien transmissible, à l’instar des terres ou du bétail.
Certains soutiennent que le lévirat assure un filet de sécurité à la veuve et à ses enfants : logement, nourriture, continuité familiale. Mais cette sécurité s’achète souvent au prix du silence, de la résignation, et parfois de la souffrance. Tensions émotionnelles, violences psychologiques, atteintes à la dignité : les conséquences sont multiples, et rarement dites.
Une atteinte aux droits fondamentaux
Le lévirat est également mis en cause pour ses implications sanitaires. Dans certains cas, il favorise la propagation de maladies comme le VIH/SIDA. Surtout, il viole de manière flagrante le droit des femmes à choisir librement leur partenaire, à disposer de leur corps, et à vivre sans violence.
Vers une prise de conscience
Face à cette situation, les voix s’élèvent. Depuis 2023, le Programme d’Appui à l’Égalité de Genre (PAEG), soutenu par la Coopération suisse, forme des jeunes femmes au leadership et à l’engagement citoyen. Déjà, 502 femmes ont été outillées pour faire entendre leur voix et défendre leurs droits dans les instances locales et politiques.
La lutte contre le lévirat n’est pas une guerre contre la tradition. Elle est un combat pour l’humanité, pour l’égalité, pour la liberté de choix. Les coutumes doivent évoluer avec leur temps. Et lorsque ces traditions entravent la dignité, elles doivent être remises en question.
Le combat continue
Il est urgent que l’État, les leaders religieux, les autorités coutumières, les associations de femmes et les jeunes eux-mêmes s’unissent pour briser le silence autour du lévirat. Car tant que cette pratique persistera, des milliers de femmes resteront prisonnières d’une alliance qu’elles n’ont jamais choisie.
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